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Le colosse aux pieds d’argile…

"Il faut abattre le capitalisme", disent en cœur les partis de gauche, les syndicats, les mouvements alternatifs, les militants indignés. Beau programme ! Mais le capitalisme, dans son ultime forme néolibérale ne s’est jamais aussi bien porté. Il est triomphant, sûr de lui et convaincu qu’il n’y a pas d’alternative. Il détient tous les pouvoirs : l’argent, la force militaire et policière, la justice, les communications, l’information, la production, la politique…

Face à ce pouvoir immense et planétaire, l’homme de gauche s’entête à opposer des forces obsolètes, il pétitionne, il défile dans les rues, organise des grèves sectorielles, déclame ou écoute de longs discours velléitaire et vindicatifs. L’homme de gauche se lance dans la bataille comme les Uhlans polonais se sont jadis lancés contre les panzer-divisions allemandes. Héroïque et pathétique sursaut de révolte face à un ennemi invincible !

« Je lutte, donc j’existe » ont écrit sur les murs d‘Athènes quelques anarchistes, pendant que le puissant Syriza, fort de ses 75% d’électeurs et d’une tradition de résistance millénaire, se débat dans le piège troïkan, sans guère d’autre alternative que le défaut ou l’austérité… Le peuple sait bien qu’il y laissera des plumes : avec le défaut, il perd 50% de sa maigre richesse, avec l’austérité, il perd 50% de ses revenus. Et de charybde en scylla, le riche sera plus riche et le pauvre encore plus pauvre. Triste choix !

Alors, que faire contre le colosse néolibéral si la lutte est perdue d’avance, si la lance et le cheval du Uhlan ne peuvent rien contre le blindage des chars ?

Le colosse a pourtant des pieds d’argile et tient debout par l’unique soumission du peuple à un certain nombre de dogmes qu’il a lui-même inventé et gravé sur les tables de la loi du marché. Ces dogmes ne sont pas des vérités révélées mais des postulats que l’on est convié à accepter sans discussion.

Le premier dogme est celui de l’argent dont on nous dit qu’il est indispensable aux échanges, alors que nous pouvons cesser désormais d’échanger en permettant l’accès à tout ce qui est nécessaire, pour tous, inconditionnellement.

Le deuxième est celui du pouvoir dont on nous dit qu’il ne peut être commun et doit revenir à une élite éclairée, de préférence riche.

Le troisième est celui du mérite qui, depuis le coup du pécher originel nous fait croire que l’humanité doit travailler à la sueur de son front, enfanter dans la douleur, croître sans fin. Quelle faute devons-nous payer pour supporter le capitalisme et quand donc serons- nous amnistiés ?

Imaginons maintenant que ces trois postulats volent en éclat, brisant au passage les pieds d’argile du colosse. Imaginons que seulement 15% des citoyens retirent leur argent des banques, ne gardant que les quelques euros nécessaires au maintien du compte, au versement des salaires (en attendant la fin du salariat). Tout le système bancaire serait grippé en quelques jours ! Imaginons qu’une majorité de citoyens se détournent des urnes et rendent ainsi illégitime tout pouvoir politique, privant le capitalisme de ses plus fidèles serviteurs. Imaginons que nous refusions tout travail inutile, dégradant, sous-payé, nuisible aux autres ou à la nature. Imaginons que nous mettions en place un système d’accès aux biens et services hors de toute idée de profit… Le monstre s’écroulerait sur lui-même, privé de socle et de substance.

Qu’est-ce qui nous fait croire que deux millions de pétitionnaires contre le TAFTA est plus réaliste que deux millions d’objecteurs bancaires ? Qu’est-ce qui nous fait croire qu’une manifestation internationale contre l’austérité est plus efficace que l’organisation d’un hôpital gratuit et autogéré ? Qu’est-ce qui nous fait croire que l’argent, le salariat, la délégation de pouvoir sont des organisations éternelles ? Qui est le plus utopique, entre celui qui adhère à un parti ou celui qui s’invente une autre vie ?

Mais le génie du colosse est de nous avoir entraînés dans son système de pensée, à coups de petites compromissions et d’avantages acquis (du livret épargne au smartphone si commode) pour mieux nous enchaîner. Il nous a fait aimer cela même qui nous détruit, participer à cela même que nous combattons.

Je vois pourtant poindre une jeune génération qui a déjà la solution, qui ne traîne ni casseroles ni nostalgie derrière elle, qui se détourne de la pensée unique du colosse, qui vit sans attendre le Grand-Soir, qui ne croit plus ni à dieu ni à diable, ni au veau d’or ni à ses adorateurs. Salut jeunes camarades, je suis vieux mais je vous vois venir et vous attends…

Tag(s) : #Coup de gueule.