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Le bon vieux temps des Colonels...
Le bon vieux temps des Colonels...

Les deux derniers articles de notre ami Panagiotis Grigoriou (Greek Crisis) sont inquiétants : inquiétants car la situation économique de la Grèce semble s’aggraver de façon exponentielle, inquiétants parce que les Grecs ont le moral dans les chaussettes, inquiétants parce que la grande braderie au profit des pays riches et des entreprises vautours n’a plus de limites.

Je constate qu’il n’y a plus guère d’alternative politique : La droite traditionnelle, les socialistes, les communistes et, depuis la trahison tsipriote, la gauche radicale, tous sont définitivement discrédités. L’acceptation par le gouvernement du mémorandum 3, la cession à vil prix des principales banques, la réforme fiscale qui met en danger des milliers de petites et moyennes entreprises, ne représentent malheureusement qu’un épisode de la descente aux enfers. Plus personne ne doute qu’il y aura encore d’autres épisodes aussi tragiques, que la sortie de crise n’est pas pour demain, qu’il n’y a pas de limites à la barbarie capitaliste.

Force est de constater que la majorité des Grecs sont dans un état de sidération tel que tout mouvement révolutionnaire semble impossible. Les plus énergiques s’exilent, les plus faibles retournent la violence contre eux-mêmes, les autres s’accrochent à une quotidienneté de survie, se perdent dans des bricolages de première urgence faute de pouvoir imaginer un lendemain acceptable.

Pourtant, les solutions sont simples et de plus en plus évidentes : Une nationalisation des banques grecques redonnerait immédiatement à l’État des moyens financiers. L’expropriation des compagnies étrangères qui se sont accaparé pour des sommes symboliques les ports, les aéroports, les mines, les plages, les îles, les entreprises, redonnerait immédiatement du travail aux 30% des chômeurs actuels. La remise en état de marche de l’éducation nationale, du système de soins, pourrait s’appuyer un temps sur le réseau de bénévoles qui depuis des années palie aux carences de l’État, sur les milliers de travailleurs sans salaires, sur l’incroyable sens de la solidarité, de résistance de ce peuple admirable. Cette étonnante énergie, aujourd’hui centrée sur l’unique nécessité de la survie, peut lever une foule capable de s’investir pour le bien commun pourvu qu’un projet réaliste et rapide lui redonne espoir et dignité.

Mais pour tout cela, la sortie de l’Europe et la reprise en main des rênes du pouvoir est une condition préalable, incontournable. Or, aucun parti politique n’est actuellement en mesure de proposer et de mettre en œuvre une telle décision. Sauf…, l’extrême droite, si elle avait la dramatique idée de se dé-diaboliser (comme l’a fait en France Marine Le Pen) et de s’allier ouvertement avec l’armée et la police que l’on sait acquises depuis longtemps à son idéologie. La crise grecque, en se développant chaque jour un peu plus, offre un boulevard à un nouveau “régime des colonels”. L’image d’impuissance qu’ont donné les différents gouvernements précédents, de la droite à l’extrême gauche en passant par les coalitions diverses, pourrait bien entraîner le plus grand nombre vers un gouvernement réputé fort et sans états d’âme. Quand on voit comment et avec quelle facilité la France, pays des droits de l’homme, des libertés et des lumières, bascule dans un état d’urgence proche du fascisme, s’apprête à voter massivement en faveur du FN aux élections régionales, on ne s’étonnerait pas de voir les Grecs en faire autant et se prendre de nostalgie pour “l’heureux temps” de Papadópoulos !

J’imagine un tel scénario et les arguments “frappants” qu’un tel gouvernement trouverait pour se justifier : plus de problème avec les émigrés que l’on enverrait prestement se faire voir ailleurs… Plus de problème de liquidité car le capitalisme s’est toujours mieux accommodé des fascismes que des Fronts de Gauche… Plus de manifestations inutiles, les MAT enfin libérés mettraient à l’ombre le moindre militant ou le contraindraient à l’exil… Un programme social emprunté à la gauche pourrait même être concédé, non plus au nom de la justice mais de l’ordre…

J’ai peur d’un tel scénario, peur parce qu’il est vraisemblable, peur parce qu’il représenterait une régression terrible, peur parce la régression est dans l’air du temps (la gauche recule sur tous les acquis sociaux du siècle passé, l’islam recule devant des intégristes aux idées moyenâgeuses, les féministes reculent devant ces mêmes salafistes au nom de la liberté d’expression….). Il reste bien quelques poches de résistance, quelques ZAD ici ou là. Mais le néolibéralisme est pour l’instant le grand vainqueur et les impasses structurelles dans lesquelles il nous entraîne (impasse économique, sociale, climatique…) pourrait bien n’offrir que l’issue du fascisme.

Je rêve pourtant d’être dans l’erreur. J’espère me fourvoyer. Je tente de me convaincre que je cède à la panique, que le bon sens, la capacité de résilience du peuple grec prendra le dessus. J’ai peur….

Tag(s) : #Politique