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Une démocratie aristocratique…

Suite des petits billets du mois d'août...

L’idéal d’un gouvernement par le peuple et pour le peuple n’a jamais été atteint quel que soit le lieu, l’époque, le système. Nos démocraties représentatives sont toutes captées par des castes politico-financières bien éloignées du peuple. La démocratie athénienne excluait les femmes et les esclaves, soit les trois quarts de la population. Les démocraties dites populaires se sont toutes illustrées par des nomenklaturas cruelles affichant un mépris total du peuple… Est-ce à dire que la démocratie n’est qu’un noble idéal inatteignable ? Que la Démocratie est au peuple ce que le Paradis est aux croyants ? N’y aurait-il pas d’autre alternative que la dictature des marchés ou le mythe d’un pouvoir partagé ? Oui, certainement…, tant qu’il y a un “Marché” !

Le paradoxe des structures politiques qui ne cessent de s’afficher comme démocratiques, tout en concentrant les pouvoirs sur une aristocratie, tient sans doute au pouvoir, ou à l’argent, ou aux deux, ces deux éléments qu’instinctivement nous unissons dans des relations de causes à effets réciproques et inextricables. Et peu importe ce qui définit cette aristocratie : l’hérédité, la culture, l’allégeance au système, le destin, l’argent… Il ne peut y avoir de démocratie aristocratique à moins d’ériger en dogme l’usage de l’oxymore !

Le pouvoir est une drogue qui perd beaucoup de son effet dans le partage. Il se divise et ne se multiplie pas et ce que j’accorde de pouvoir à mon voisin est autant de pouvoir dont je me démets. C’est une drogue parce qu’il répond au problème existentiel insoluble et douloureux de notre finitude, de notre insoutenable fragilité, de notre microscopique petitesse dans un univers infini. Goûter à une once de pouvoir, c’est être inévitablement en manque quand on le perd, c’est s’engager dans une course effrénée vers ce pharmakon salvateur. Les anarchistes ont raison de ne déléguer aucun pouvoir à quiconque, sans être absolument sûr qu’il le rendra. Mais est-ce possible ?

L’argent agit aussi comme une drogue pour laquelle il n’est d’issue que dans l’accroissement constant de la dose, dans l’inévitable accélération du rythme des injections, et in fine, dans des overdoses appelées crise boursière, inflation, faillite, et qui peuvent s’avérer létales. L’argent et le pouvoir vont ensemble comme le drogué et son dealer, l’un ne pouvant vivre sans l’autre. Si le pouvoir permet l’accumulation de l’argent, l’argent ouvre les portes du pouvoir. C’est une relation symbiotique, c’est-à-dire de totale dépendance.

Or, voilà deux millénaires et demi que l’on nous parle de La Démocratie, sans que jamais lui soit liées les questions d’argent et de pouvoir. Les quelques révolutions qui dans le monde se sont voulues démocratiques ont fait l‘impasse sur ces deux drogues. Moralité, donner le pouvoir au peuple c’est prendre le risque qu’il ne veuille le rendre, donner l’argent aux pauvres c’est prendre le risque qu’ils prennent le pouvoir. De là à “représenter” le peuple dans des instances où il n’aurait pas sa place, à priver le peuple des fruits de son travail pour qu’il ne puisse s’en plaindre, puis à créer une caste de “sang bleu” décrétée pure et qui mène le peuple au ”sang impur”, y compris sur ses barricades, il n’y avait qu’un pas allègrement franchi, au point que nous le chantons encore sans sourciller à moult occasions !

Au bout de deux mille ans et demi de tentatives avortées, il est peut-être temps de penser une démocratie libérée des questions de pouvoir et d’argent. Puisque le pouvoir se divise en se partageant, il faudra bien en faire le deuil et puisque l’argent sert le pouvoir et le concentre par construction, il faudra bien s’en passer si nous voulons tenter honnêtement une “expérience démocratique”. En attendant, rien ne nous empêche d’imaginer un monde a-monétaire pour tenter de comprendre les effets que produirait une "désargence" sur les questions de pouvoir et de démocratie. Et là, le champ des possibles devient tellement vaste, les solutions radicales sautent aux yeux avec tant d’évidence, que la notion de nécessité que nous voulons attacher à la désargence prend tout son sens !…

Tag(s) : #Désargence