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La formation de bons petits soldats….

Dans la plus grande discrétion, un protocole interministériel a été signé le 20 mai 2016 entre les ministères de l’Éducation Nationale, de la Défense et de l’Agriculture, afin de former des futurs citoyens responsables dotés d’un solide esprit de défense ! Je vous engage à en découvrir les détails sur le bulletin officiel de l’Education Nationale avant qu’il ne soit trop tard et qu’une majorité ne soit prête à repartir la fleur au fusil pour une saine et juste troisième guerre mondiale ! En voici quelques extraits :

Les ministres de la défense, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, déclarent que la compréhension des notions essentielles de défense et de sécurité nationale est indispensable au futur citoyen comme au responsable économique, culturel, social ou environnemental.

L'engagement formulé en 1982 par Charles Hernu et Alain Savary, dans le premier protocole « défense éducation nationale », reste pleinement d'actualité : « La mission de l'éducation nationale est, d'assurer sous la conduite des maîtres et des professeurs, une éducation globale visant à former des futurs citoyens responsables, prêts à contribuer au développement et au rayonnement de leur pays (...). L'éducation est un acte global qui n'est pas réductible aux activités scolaires, l'esprit de défense est une attitude civique qui n'est pas limitée aux activités militaires. »

Les événements dramatiques qu'a vécu notre pays en 2015 ont porté atteinte aux valeurs de la République. Ils appellent de notre part des réponses qui passent par la connaissance, la compréhension, l'échange entre toutes les composantes de la communauté nationale. Il en va ainsi tout particulièrement des relations entre la défense et le système éducatif qui sont au cœur de ce protocole. […] Le présent protocole s'articule autour des onze mesures de la « Grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République» et la création d'une réserve citoyenne de l'éducation nationale, à laquelle la réserve citoyenne de la défense apporte son concours. […] En rénovant le protocole qui le lie au ministère de l'éducation nationale et en y associant le ministère chargé de l'agriculture, le ministère de la défense renforce et élargit son lien avec les jeunes pour participer à leur formation en tant que citoyens conscients des enjeux et des missions de la défense.[…] L'enseignement de défense dispensé lors de la scolarité se prolonge lors de la journée défense et citoyenneté (JDC) organisée par le ministère de la défense au profit de tous les jeunes français. […]Les ministres signataires conviennent que ces orientations doivent se traduire par les cinq axes d'efforts suivants et par des modalités adaptées de mise en œuvre du présent protocole :

1. Renforcer l'enseignement de défense et la formation des enseignants ;

2. Développer les relations entre la défense et l'enseignement supérieur ;

3. Participer à la lutte contre le décrochage scolaire et contribuer à la détection des jeunes en difficulté de lecture ;

4. Favoriser le lien défense-jeunesse, l'égalité des chances et l'insertion professionnelle des jeunes ;

5. Favoriser la reconversion des militaires au sein du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Pour bien comprendre ce long texte officiel, il faut se rappeler que ce protocole a été précédé par celui de 1982 (initié par Charles Hernu), puis ceux de 1989, de 1995 et de 2007. Chacun de ces cinq protocoles resserre la symbiose armée-école et nous habitue à une militarisation progressive de la nation. Quand on voit le nombre d’occurrences sur la troisième guerre mondiale que l’on trouve dans les médias, quand on met en relation les dangers des guerres du Moyen Orient, la crise ukrainienne, l’extension des installations de défense sur toutes les frontières Est de l’Europe, le traitement que notre gouvernement fait du terrorisme avec un état d’urgence qui se pérennise, je pense qu’il serait bon de prendre ce discret protocole au sérieux.

Il est nécessaire toutefois de se méfier de la rhétorique gouvernementale et de traduire cette prose en français courant. Soutenir l’action des armées, c’est pour les enseignants la possibilité d’organiser des journées d’immersion en milieu militaire. Jadis, nous faisions des classes de neige, demain nous pourrons faire des classes de tir ! Promouvoir une culture de défense, c’est pour les professeurs d’histoire et d’EMC faire office de sergents recruteurs ! Etablir des relations pérennes entre enseignants et militaires, c’est pousser les jeunes enseignants à s’engager dans la réserve militaire et ouvrir l’accès de la profession aux militaires en voie de reconversion. Répondre aux besoins de la défense, notamment en matière de développement, c’est orienter les étudiants vers les filières de l’armement. Construire une mémoire collective par l’enseignement de l’histoire, c’est user du mensonge et de la manipulation des faits pour justifier la politique de défense, c’est partager le droit de proposition et de contrôle des programmes et des sujets d’examens égalitairement entre l’Éducation et la Défense. Bien sûr on vous dira que le socle commun récemment redéfini « …ouvre à la connaissance, forme le jugement et l’esprit critique… ». Qui de la Grande Muette (adepte du bourrage de crâne et de l’endoctrinement politique) ou des Hussards de la République (adeptes de la laïcité, de la tolérance et de la liberté d’esprit), gagnera la bataille au sein de cette collaboration contre nature ?...

Tag(s) : #Armée Ecole