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        Plusieurs émissions télévisées sur la fin de l’argent liquide ont été présentées cet été dont celle de France 2 sur la Suède. Tout y est présenté comme une innovation qui va singulièrement nous simplifier la vie. En Suède, tout achat, même d’un timbre-poste peut se faire par carte ou via l’application mobile Swish, et tout le monde semble s’en réjouir. De l’achat d’une voiture à la quête lors de la messe dominicale, tout est prévu. “Une révolution qui change tout” selon le commentateur François Lenglet ! La question posée par le magazine de France 2, “L’Angle éco”, est vicieuse : “L’argent qui nous gouverne peut être un poison qui pousse à l’endettement et peut parfois servir à corrompre. Il a la capacité d’enrichir autant que d’appauvrir. Alors, faut-il mieux le contrôler ou bien tout simplement le supprimer ?” Supprimer le cash ne peut être assimilé à la suppression de l’argent. On peut tout au plus parler de “démonétisation”.  Sous la forme numérique de la carte bancaire, l’argent reste toujours là, même si les pièces et billets sont retirés de la circulation. La “révolution” qui se prépare n’est qu’un trompe l’œil, un tour de passe-passe pour que rien d’essentiel ne change. Alors pourquoi, cet engouement soudain pour une innovation inutile ? Pourquoi Visa et PayPal s’intéressent-t-ils autant à cela ? Pourquoi les journaux meanstream tentent-ils de nous rassurer et de nous encourager à participer dans cette fin du cash (Le Monde, l’Express, Libération…) ? Pourquoi la Commission Européenne, dont on sait qu’elle est considérablement contrôlée par une Allemagne viscéralement attachée à l’argent liquide, prépare-t-elle en catimini cette transition ?

                Pour y comprendre quelque chose, le mieux est d’en faire la généalogie. Depuis la faillite des banques chypriotes en mars 2013, l’idée de ponctionner les comptes bancaires des déposants s’est peu à peu imposée. Dès les premiers jours, la directive BRRD (Bank Recovery and Resolution Directive) est mise en place par l’UE pour ponctionner les comptes de plus de 100 000€. L’idée était intelligente ou en tous cas rassurante pour les petits déposants. Les médias se sont longuement étendus sur cette “protection” des plus faibles, tout en sachant que ce n’était qu’une directive de l’UE. Une directive peut se changer à tout moment sans aucune consultation populaire ou législative. Rien n’empêche en cas de crise de ramener cette somme au premier euro déposé en banque. Mais la peur de perdre toutes nos économies d’un jour à l’autre était telle que nous avons voulu nous croire  protégés. La désinformation a été si bien faite que la loi Sapin 2 (8 novembre 2016) qui permet à l’État de se servir dans les assurances vie sans limite, est passée comme une lettre à la poste !

                Le 16 octobre 2013, le FMI communique un rapport concernant les risques d’effondrement bancaire. Compte tenu du montant colossal de la dette mondiale et de l’impossibilité d’y faire face, la seule issue est de pouvoir ponctionner 10 ou 15% sur tous les comptes bancaires, des entreprises comme des particuliers, pour éviter la chute. Il n’est bien sûr cité aucun plafond, aucune limite.

                La Commission européenne (tous les textes cités ici se retrouvent sur le site de la CE) valide ce rapport du FMI dès le 18 décembre 2013, mais émet des doutes quant à sa faisabilité à grande échelle. Elle craint notamment un “bank-run”, une course des déposants pour retirer leur argent des banques. Il suffirait du retrait de 10% des dépôts pour gripper l’ensemble de la finance mondiale. Le risque est donc disproportionné par rapport à l’enjeu.

                L’enjeu étant mondial, il fallait trouver une solution mondiale qui évite le bank-run. Il était inévitable que l’idée de supprimer le cash finisse par émerger. Sans argent liquide en circulation plus personne ne peut retirer son argent de la banque, il n’y en a plus. D’ailleurs, qu’en ferions-nous si plus aucun commerce ne l’accepte ? Malheureusement pour le FMI, la Commission européenne et les banquiers, l’argent sonnant et trébuchant est quasi sacré pour nombre de gens, à commencer par les Allemands. Il fallait donc mettre en place une stratégie progressive pour nous contraindre à accepter la fin du cash sans rechigner.

                La première étape a consisté à généraliser l’usage des terminaux bancaires dans toutes les entreprises. Le laboratoire grec a été le premier à accepter que ces terminaux soient rendus obligatoires sous peine de forte amende. Dès le 28 juillet 2015, le gouvernement Tsipras pousse les commerçants à s’équiper, complique les démarches pour que les gens acceptent de se munir d’une carte bancaire pour encaisser leurs payes ou leurs retraites. En juillet 2017, un pas de plus est franchi : tout commerce est tenu de s’équiper d’un terminal sous peine d’une amende de 1000 à 5000€, voire sous la menace de fermeture de l’établissement. Deux mille fonctionnaires sont prévus pour sillonner le pays pour contrôler si les terminaux sont présents et bien utilisés. (voir)

                Dans le même temps, il fallait un exemple heureux et nous avions en Europe celui de la Suède, un des pays le plus avancé dans l’usage du paiement électronique. “Regardez tous les avantages d’une société sans cash !” Plus de vol à la tire, plus de braquage de magasin, plus de problème de monnaie à rendre, de porte-monnaie qui mobilise une poche de pantalon (sic), une comptabilité automatique de toutes nos dépenses… Les chiens de garde du capitalisme s’en sont donné à cœur joie tout l’été !

                Les inconvénients du système, soulevés par quelques "fainéants, cyniques ou extrémistes", ont vite été étouffés. La fin du cash n’a rien à voir avec une société de contrôle, ce n’est pas un moyen de taxer toutes les transactions, d’enrichir un peu plus les banques... Non, c’est au contraire le meilleur moyen de lutter contre le banditisme, la fraude fiscale et même le terrorisme. Peut-on imaginer un djihadiste acheter sa kalachnikov avec un carte bancaire ? Non, bien sûr, mais sans liquide, il aura toujours la solution de passer par une filiale étrangère, par le système bitcoin… La Commission européenne nous prend pour des imbéciles.      


 

 

 

        La conclusion de toute cette minutieuse préparation, c’est le texte de la Commission européenne en date du 23 janvier 2017 qui vise à contraindre toute l’Europe à ne plus accepter l’argent liquide dès 2018 !  Et pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus des bienfaits de l’Europe et du commerce sans cash, il y a encore l’argument de la mondialisation qui fait surface dans la presse mainstream : “Que vous le vouliez ou pas, c’est inévitable… En Inde, les billets disparaissent peu à peu au profit du système PayTm… En Chine, le Wechat fait fureur… La Corée est à la pointe du progrès en matière de monnaie dématérialisée… Le Kenya et l’Afghanistan ont lancé le M-pesa… (voir dossier du courrier International). Une carte ou un téléphone portable suffisent pour les petites ou grandes transactions, quiconque s’y oppose est, soit un protecteur de la mafia et du terrorisme, soit un arriéré technophobe !...” Bien entendu, ce texte de la CE est officiellement une “analyse d’impact” et non une “décision”, une “proposition” et non une “directive”, un texte “indicatif” et non “contraignant”, une “piste de réflexion” non un “objectif”. Mais de telles précautions oratoires laissent plutôt préjuger de la sincérité des auteurs. L’accumulation des faits sur ce sujet depuis quelques années donne bien à cette proposition une forme de directive ! La presse alternative (celle que l’on qualifie de complotiste) a également parlé d’une consultation organisée par l’UE visant à nous faire adopter l’idée d’une suppression du cash en l’associant au problème du terrorisme. Cette consultation a en effet été réalisée entre le 27 février et le 31 mai 2017 . Les résultats ont été publiés mais avec un tel taux d’opinions négatives (94,84%) que c’est resté très discret (voir en anglais sur). Si vraiment la CE veut nous imposer la fin du cash en 2018, elle devra passer en force, nous mettre devant le fait accompli et c’est ce qui semble se préparer. Quand tout sera mis en place, nous n’aurons plus aucun moyen de nous y opposer. Le choix sera entre l’adaptation ou l’exclusion. Refuser le paiement électronique reviendrait à se priver de toute possibilité de s’alimenter, de se déplacer, de se loger…  

 

                Je n’argumenterai donc pas sur la forme, mais sur les motivations de cette réforme. Laissons tomber la question des terroristes, des fraudeurs et des voleurs, ils ont toujours un train d’avance sur les contrôleurs. La fin du cash, c’est essentiellement un moyen de sauver les banques en faillite. C’est une course en avant pour permettre au système de perdurer malgré la crise annoncée. C’est le paiement par la majorité des dégâts causés par une minorité. Cette longue stratégie, qui depuis l’affaire chypriote s’est mise en place, vise uniquement à rendre impossible les retraits de nos avoirs bancaires, à donner tout pouvoir aux États de renflouer les banques défaillantes. La fin du cash, c’est la fin de la liberté autant que de l’égalité.

        En même temps, je me réjouis de voir les banquiers aussi inquiets quant à leur avenir. Il se pourrait bien que leur remède soit insuffisant et que leur  course en avant les mène dans le mur. Il n’y aurait alors plus qu’une solution, l’organisation d’une société a-monétaire, sans argent sous quelques formes, matérielle ou numérique, que ce soit. La prochaine crise que les banques, le FMI et la Commission européenne cherchent à contenir pourrait bien contraindre les peuples à s’organiser autrement, à passer de l’échange marchand à l’accès libre et sans contrepartie à tous les biens et services nécessaires, à remettre en cause le paradigme monétaire, le profit, la croissance, la propriété privée, le salariat… (voir ou ou encore , l'idée est dans l'air du temps!).    Là, ce serait une Révolution, n’en déplaise aux experts économistes…        

Tag(s) : #Economie, #Désargence