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         L’article “La fin du cash ou la fin du banquier ?” publié sur ce blog le 27 septembre dernier a été déjà lu par près de 350 personnes et les commentaires que j’en ai reçu m’incitent à prolonger la réflexion. En effet, la réaction la plus fréquente est celle du doute quant à l’intention réelle du pouvoir : “ils n’oseront pas !”, ou pire, “c’est une manœuvre politique destinée à nous faire peur et pour que nous acceptions d’autres réformes douloureuses”. Pour d’autres, c’est techniquement impossible car la fin du cash serait aussi la fin de l’économie parallèle, du travail au noir, des trafics illicites. L’économie souterraine échappe à l’impôt, certes, mais “elle participe tout de même à l’économie dans une proportion telle que son éradication mettrait tout le système en danger.” 

                Ces arguments ne manquent pas de bon sens  et je les comprends. Mais tout le monde sait que plus l’arnaque est grosse, plus elle a des chances de fonctionner, plus le mensonge est énorme plus il paraît vrai ! En outre, l’Histoire est pleine de monstruosités qui ne répondent à aucune logique, mais à une simple course en avant pour faire perdurer un modèle en difficulté. Quelle que soit l’opinion que l’on ait de la vision  universaliste du général Bonaparte, il faut bien reconnaître que pousser cette logique jusqu’au massacre de quelques millions d’Européens, entraîner les Grognards jusqu’à Moscou en plein hiver, croire encore à un retour de l’île d’Elbe, relève plus de la pathologie que du bon sens. On pourrait faire la même analyse des logiques poussées jusqu’à l’absurde par le stalinisme, le nazisme, les Khmers rouges, etc.

                Le capitalisme néolibéral obéit bien à une logique de condensation des richesses et des pouvoirs dont la vision est défendue par des gens comme David Rockefeller qui depuis le milieu du siècle dernier rêvait d’un Nouvel Ordre Mondial. Lors de la conférence de la Commission Trilatérale de juin 1991, Rockefeller déclarait :

« ...Nous sommes reconnaissants au Washington Post, au New York Times, au Time Magazine et aux autres grandes publications dont les dirigeants ont assisté à nos réunions et ont respecté leurs promesses de discrétion pendant presque quarante ans. Il nous aurait été impossible de développer notre plan d’action pour le Monde si nous avions été sous la lumière des projecteurs pendant toutes ces années. Mais maintenant, le Monde est plus sophistiqué et mieux préparé à la marche vers un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers mondiaux est sûrement préférable à l’autodétermination nationale pratiquée au cours des siècles passés…». Il est raisonnable de penser que les intentions du FMI, de la Commission européenne, des grands banquiers mondiaux actuels, ne sont que la continuation de la logique Rockefeller. Et dans ce cas, l’argument raisonnable du “ils n’oseront pas” ne me rassure pas du tout. Je sens d’ailleurs poindre dans certains commentaires le fameux argument du “complotisme”. Cet anathème, qui en dit bien plus long sur celui qui le lance que sur celui qui en est accusé, permet le déni de la réalité. On peut en effet ne pas tenir compte des déclarations de Christine Lagarde (FMI), de Jean-Claude Junker (CE), de Mario Draghi (BCE) et consorts, ne pas tenir compte de ce qui se fait déjà en Suède, en Grèce et dans le reste du monde, on peut nommer complot ce qui se fait au grand jour, se publie dans les médias ou sur le Net, se dit dans les conférences internationales. On peut aussi dire “je ne savais pas” quand il est trop tard…

                Je préfère mettre en perspective des faits réels mais disparates, donner un sens à ce qui nous est donné à voir et à entendre. Par exemple, ce vendredi 29 septembre (ce n’est pas vieux et peu de journalistes l’ont commenté), Christine Lagarde a prononcé un discours à l’occasion d’une conférence organisée par la banque d’Angleterre (“Independence 20 Years”). En interrogeant Google.fr sur l’événement, on trouve quelques sites en anglais (dont celui du FMI qui transcrit le texte de l’allocution), un site français sur le bitcoin…, bref fort peu de choses accessibles au grand public. Il est vrai que l’imbroglio Lagarde-Tapie est un “créneau” bien plus porteur ! C’est dommage car ce discours de Londres ne manque pas d’intérêt (on peut en écouter l'intégralité en anglais sur Youtube). 

                Selon la patronne du FMI, les cryptos-monnaies auront la peau des banques centrales si les banquiers centraux continuent ainsi. « Il n’est pas avisé d’ignorer les monnaies virtuelles » […] «À bien des égards, les devises virtuelles pourraient donner du fil à retordre aux monnaies existantes et à la politique monétaire… » […]  « Si les monnaies virtuelles privées restent risquées et instables, les citoyens pourraient même en appeler à une banque centrale pour qu'elle fournisse une version numérique de la monnaie légale… ».  Décryptons : Le FMI préconise un prélèvement à la source sur tous les comptes bancaires pour sauver la finance internationale. Comment rendre acceptable un tel projet sinon en le présentant comme inévitable ? Christine Lagarde nous explique donc que les monnaies virtuelles ont le vent en poupe et que ce sont les usagers eux-mêmes qui réclament l’instauration d’un système bitcoin organisé et garanti par les banques centrales. La tactique est astucieuse, élégante, et parfaitement synchrone avec le plan conçu depuis plus de quatre ans dont nous parlions dans l’article précédent. Mme Lagarde, née Christine Madeleine Odette Lallouette, médaillée de nage synchronisée avec l’équipe de France quand elle avait 15 ans, se rappelle ce que synchronisme veut dire (ceci dit sans ironie malsaine ni volonté de diffamer cette femme dont on ne peut nier l'intelligence)! Elle utilise les crypto-monnaies comme un cheval de Troie pour nous faire avaler la fin du cash ! C’est la même tactique que le Tina de Mme Thatcher mais en plus malin : vous ne pouvez contester ce qui est inévitable, la nécessité fait loi, courbez le dos face au marché, braves gens, le choix n’existe qu’entre le chaos ou le citron pressé, entre le krach mondial ou l’ordre nouveau de l’élite financière…

                Dans le contexte actuel où cette élite reproduit sans cesse les mêmes erreurs faute de solutions, nous ferions mieux de prendre au sérieux ces événements ignorés par les médias. Après avoir créé la bulle immobilière de 2008, l’Amérique nous propose celle de l’automobile. Vous avez aimé la crise de 2008, vous allez adorer celle de 2018 ! Comme pour l’immobilier, acheter une belle voiture grâce à des crédits à long terme et à taux variables commence à provoquer les mêmes effets. Près de 48% des Américains ont contracté un prêt automobile et ne sont pas, pour la plupart, en état de rembourser. Le marché s’effondre, y compris au niveau de l’occasion. Les entreprises ne renouvellent plus leur parc automobile, la production est retombée plus bas qu’en 2009. Quand la bulle va éclater, quand la spirale infernale va s’emballer, les banques autant que les contribuables auront du mal à payer la facture, d’autant que celle de 2008 n’est pas encore soldée !

                Ajoutons à cela la bulle financière et le tableau sera complet : Tous les économistes sont d’accord pour dire que les obligations achetées par les assureurs, les banques privées, vont inévitablement s’effondrer, elles ne vaudront bientôt plus rien. Alors, pourquoi les banques centrales mondiales continuent-elles à inonder le monde de liquidités ? Pourquoi continue-t-on à se bercer de l’illusion que la croissance peut revenir, qu’une faillite généralisée à la planète n’est pas possible ? Parce que nous sommes dans une logique “napoléonienne” : une fois lancées sur les routes de l’Europe, les troupes de Grognards ne peuvent revenir en arrière sans avoir sur le dos des hordes vengeresses, parce qu’un Buonaparte, même devenu Napoléon, ne peut s’être trompé… On peut aussi conclure par un remerciement aux grands médias silencieux qui couvrent tous les événements cités ici et les gardent hors de la lumière des projecteurs, comme dirait le regretté David Rockefeller…

                Dormez braves gens l’alouette veille sur vos plumes…

 

PS: La caricature mise en exergue est tirée de la presse grecque...(To Pontiki).

Tag(s) : #Economie, #Politique