
En errant au hasard du Web, je suis tombé sur un reportage diffusé le 2 septembre 2016 par France 24. Le journaliste et réalisateur de documentaires Alexandre Dereims raconte l’histoire des Jarawas en grand risque de disparition. L’information datant de plus d’un an, j’ai cherché en vain si des solutions avaient été trouvées ou si, au contraire, l’ethnocide annoncé se poursuivait.
Les Jarawas, peuple autochtone des îles Andaman dans le golfe du Bengale (possession indienne) sont des pygmées venus d'Afrique. En 1857, les Britanniques colonisent l'archipel, déciment quelques milliers d'autochtones puis s'en désintéressent. Les Jarawas ont résisté à toute intrusion étrangère jusqu'en 1998 puis cessent d'attaquer les colons. Un an plus tard, un axe routier est construit sur l'île et des "safaris photographiques humains" sont organisés par des agences indiennes.
Les Jarawas vivaient dans un paradis doté de nourriture abondante: cochons sauvages, daim, poissons, fruits et légumes sauvages en abondance. Peu à peu les besoins se multiplient (torches électriques qui remplacent les flambeaux de cire d'abeilles, casseroles, vêtements apportés par les administrateurs), tandis que les ressources s'amenuisent (des braconniers y viennent chasser au fusil et décime le gibier). Des maladies inconnues des Jarawas déciment nombre d'entre eux. Malgré le refus d'une grande majorité de la population, l'alcool et le tabac sont introduits par les trafiquants. L'argent finit de détruire cette civilisation et la pénurie remplace l'abondance. L'accès direct à tous les biens et services nécessaires est remplacé par l'échange marchand. La vie sociale paradisiaque se transforme vite en cauchemar. Les commentaires des Jarawas sont aussi édifiants qu’émouvant : « … Il y a tout ce qu’il faut dans la jungle…on chasse uniquement ce dont on a besoin…les fleurs sont magnifiques…les arbres regorgent de fruits…il y tant de chansons à chanter…on aime tout partager, être ensemble…on ne peut pas aimer l’autre monde… »
Les Jarawas avaient un modèle social et économique remarquable mais pas les lampes torches pour se déplacer la nuit. Ils ont maintenant la lumière mais la barbarie de la civilisation marchande avec son cortège de violences, de destructions humaines et écologiques. Ils avaient la coopération et le bien commun, ils ont la concurrence et la propriété privée. Ils continuent à haïr notre civilisation mais se sont habitués aux casseroles, aux hameçons forgés, aux machettes... Il aurait été intéressant de les préserver de notre modèle et de s'inspirer du leur, quelques ethnologues et aventuriers l'ont suggéré, mais l’État indien les a sacrifiés aux profits financiers. Il reste environ 420 Jarawas, trop peu pour tenir tête à quelques milliards d'accros au capitalisme!
Le film est disponible depuis le 16 septembre sous le titre "Nous sommes l'humanité". Voir le site