Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

                L’idée que notre civilisation pourrait bien disparaître, qu’une Révolution globale est inéluctable, que l’espèce humaine elle-même pourrait connaître à son tour le sort des dinosaures, fait de plus en plus d’émules. Le philosophe Onfray nous dit en 615 pages que la Décadence de la civilisation judéo-chrétienne est en marche. Le Comité Adrastia a fait de la collapsologie son fonds de commerce et multiplie les vidéos et conférences. Pablo Servigné et Raphaël Stevens font un tabac avec leur ouvrage. Le club Orlov (du nom du mathématicien russo-américain) grandit en France de jour en jour…

                Est-ce une mode, un buzz organisé par les complotistes, une mythologie en construction comme le calendrier Incas, Nostradamus, le grand bug 2.0 de l’an 2000 ou une opération de marketing lancée par les producteurs de dystopies hollywoodiennes… ? Cette fois, il semble bien que ce soit plus sérieux et pour deux raisons : premièrement, la plupart des collapsologues s’appuient sur des faits qui se constatent déjà scientifiquement et non sur des prospectives hasardeuses ; deuxièmement, l’avertissement vient de toutes parts, traverse tous les domaines de la science, tous les courants de pensée. Les démonstrations s’étalent brillamment sur des milliers de pages, des heures de vidéos, avec la conclusion très claire et bien partagée qu’il n’y a pas de solutions, que le phénomène en marche est irréversible, que toutes les propositions ont jusqu’ici été adossées à des modes de pensée du passé. Il reste donc la question, que personne n’ose poser : que faire si aucune des stratégies si intelligemment développées ne peut plus fonctionner ?

                C’est sans doute la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’il n’y a de recours ni ailleurs, puisque le problème est planétaire, mondialisé, ni après, puisque aucun modèle politique ne propose un autre mode de fonctionnement social, politique, économique qui réponde à l’ensemble des impasses structurelles menant à l’effondrement. Non seulement la perspective d’un champ de ruine semble proche, mais nul ne sait ce qu’il faudra ou pourra être reconstruit sur les ruines. Comment alors l’imaginaire pourrait-il ne pas être en péril ? Comment mobiliser les bonnes volontés, mettre les luttes en synergie, arracher les gens à la dépression, aux stratégies de survie, à l’eschatologie, à  la recherche d’un arrière-monde, au virtuel… ?

 

                C’est sans doute dans ce contexte que la désargence prend toute sa dimension politique et qu’elle a une chance d’émerger comme une alternative possible, comme l’antidote à la fin de l’Histoire. En effet, les impasses dénoncées et annoncées seront, pour certaines, instantanément résolues par la disparition de l’échange marchand, pour d’autres contournées plus aisément. Impasse écologique (biodiversité, réchauffement, fin des ressources, déforestation…), impasse économique (dette mondiale, inégalités croissantes, hyperinflation…), impasse démographique (des ressources alimentaires et hydriques pour plus de huit milliards d’humains), impasse énergétique (alors que l’énergie est indissociable de la croissance et du développement), impasse sociale (chômage et migrations de masse, déstructuration des liens, acculturation), impasse politique (élites discréditées, court-termisme, corruption)… Quel projet en dehors de celui de la désargence répond à la fois à toutes ces impasses ? La seule fin de tout profit financier possible, entraîne de facto la fin de la concurrence, de la consommation insoutenable, du gaspillage, de la publicité… La seule fin du salariat résout de facto le chômage et ouvre grande la porte de la sobriété heureuse. Pour éviter les plus grosses  pollutions, celle des supertankers ou celle des centrales au charbon par exemple, quoi de mieux qu’une sortie de la mondialisation couplée à un abandon de toute monnaie d’échange ? Chaque jour nous apporte une innovation concrète et réaliste parmi les chercheurs qui ont osé énoncer la fin de l’échange marchand et en examinent les conséquences. Chaque jour, cette vieille utopie partagée par Saint-Augustin et Gracchus Babeuf en passant par Thomas More, devient plus objectivement réalisable.

                Peut-être l’humanité préfèrera-t-elle le suicide collectif, peut-être qu’une autre solution moins radicale mais aussi raisonnable repoussera-t-elle le problème à d’autres temps, mais pour l’instant nous sommes les seuls et les premiers à ne pas crier “Au feu !” en croyant faire quelque chose,  à construire un autre possible au-delà des ruines et du chaos annoncé…    

Tag(s) : #Désargence, #Effondrement