
Mon premier article sur la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) a été publié sur ce blog le 24.09.2014 et depuis, 3 831 personnes l’ont lu. Pour un modeste blog qui n’a que 2 à 300 visiteurs par mois, ça fait beaucoup. Pas un seul mois depuis septembre 2014 où aucun lecteur ne s’y soit arrêté, le seul article qui soit aussi “durable”. C’est bien la preuve que la question intéresse, que l’idée d’effectuer cette journée inquiète, intrigue, scandalise ou mobilise, si j’en crois les commentaires reçus. Qu’en sera-t-il du Service National Universel (SNU) qui va bientôt remplacer la JDC ? Il était temps de faire un point sur cette actualité.
Les grands principes du SNU ont été définis en Conseil des Ministres le 27 juin 2018 et le vote par le Parlement a eu lieu dans la nuit du 18 au 19 juillet 2018. Je n’ai pas repéré de grandes réactions vis-à-vis de ce vote dans les médias, sans doute en vacance…! La durée d’un mois (ou 2 fois 15 jours) est confirmée et le SNU pourra être effectué de 16 à 18 ans. Entre 16 et 25 ans les jeunes pourront volontairement effectuer trois mois supplémentaires. Il est précisé que ces jeunes auront le choix entre l’armée, la police, les pompiers, l’aide aux personnes, la défense du patrimoine ou de l’environnement (liste non limitative). Ce sera donc un service civil ou militaire. Aux dernières nouvelles, le SNU devrait commencer dès le début de 2019 mais sous forme de volontariat, et deviendra obligatoire une fois le système en place, à une date non précisée. Tout n’est pas encore opérationnel. Le rapport remis par le groupe de travail mandaté par l'Elysée pour dessiner les contours du SNU estime en effet que l'hébergement représente "la difficulté la plus importante à surmonter" (surtout du fait de la mixité).
Sur le site gouvernemental on obtient quelques détails sur les objectifs du SNU : « Il vise à impliquer davantage la jeunesse française dans la vie de la Nation […], à favoriser un sentiment d’unité nationale autour de valeurs communes… » […] « Les objectifs assignés au SNU sont au nombre de trois : Cohésion sociale et territoriale ; prise de conscience, par chaque génération, des enjeux de la défense et de la sécurité nationale ; développement de la culture de l’engagement. » Quelles sont ces valeurs communes que l’on voudrait transmettre ?... Une cohésion sociale peut-elle être améliorée par un mois dans une caserne ? Les enjeux de la défense nationale peuvent-ils être transmis sous le seul prisme de l’idéologie véhiculée par un État-Major ?... Est-ce que la culture de l’engagement comprend aussi l’engagement dans un syndicat ou parti, dans la défense des immigrés, de l’écologie ?... Le flou de ces déclarations est certainement voulu, soigneusement élaboré par les linguistes de l’Elysée !
On trouve des éléments plus concrets sur de nombreux sites, mais sans références précises : « Il s’agit de construire un projet de société qui vise à la transformer en impliquant les jeunes générations… » Construire un projet de société, c’est exactement le projet des recruteurs du Jihad, celui des mouvements politiques radicaux, celui des collectifs d’éducation populaire ! Est-ce bien le rôle de l’armée, l’ex “grande muette”, de construire un projet de société ? Un gouvernement Macron peut-il inculquer à la jeunesse un projet de société autre que libéral, axé sur la croissance, la compétition, les premiers de cordée ? On lit ailleurs : « il s’agit d’apprendre à réaliser les gestes de premiers secours, à s'orienter avec une boussole, à rendre compte d'une situation de danger par radio… » On reconnaît bien là l’esprit vif des militaires : le chassepot de 1886 pendant la guerre 14-18, la ligne Maginot face à la mobilité des panzerdivisions, la boussole à l’époque du GPS et la radio au temps du smartphone !!!
Trêve de plaisanterie ! Il reste à préciser les modalités d’application de la loi. La question budgétaire semble primordiale. Le Sénat, en juin dernier, estimait le coût total du service national universel à 30 milliards d'euros pour une génération de jeunes, soit 800 000 individus… soit 37 500€ par individu ! On peut rêver à ce que pourrait faire une équipe d’éducateurs, d’animateurs, de psychologues, d’enseignants, si on leur proposait d’encadrer pendant un mois un groupe de jeunes sur la base d’un tel budget ! Mais le chiffre plus raisonnable de 1,6 milliard d’euros circule, les autres milliards correspondant au coût global de la mise en place… Si donc le coût réel est de 1,6 Md et non 30Md, par personne, cela fait tout de même 2000€ par personne, ce qui reste un beau budget pour un mois en colonie de vacances !
À la fin de la JDC actuelle, les participants se voient remettre un certificat et celui-ci est obligatoire pour s’inscrire à l’examen du permis de conduire ou passer son brevet ou le bac. L’une des pistes envisagées par Gabriel Attal, chargé d'intervenir sur les dossiers de la jeunesse et la mise en place du SNU depuis octobre 2018, est « de durcir ce principe », dit un quotidien parisien. Selon le rapport de la Commission, 25,3 % des 45 000 jeunes interrogés lors des journées de JDC déclarent « qu'ils n'ont pas du tout envie de faire leur service national universel ». Il parait évident que pour Gabriel Attal, il faudrait revenir au système d’avant 1963, date du statut sur l’objection de conscience dans lequel nombre de professions étaient interdites aux objecteurs (fonction publique, quantité de professions libérales…). On sait que cette “punition” n’a jamais été réellement appliquée mais les temps ont changé, les injonctions de l’État se sont durcies… D’autre part, si 25,3% des jeunes n’ont pas envie de faire leur SNU, il est à prévoir un pourcentage de futurs objecteurs plus conséquent qu’en 1965 (il y eu 67 statuts d’objecteurs demandés et 28 acceptés). Il est donc à prévoir une application plus stricte de la loi qu’à mon époque où le prix à payer se portait surtout sur la durée du service civil. Refuser l’armée signifiait faire un service civil double du service militaire, soit 36 mois, ce qui en dissuadait plus d’un !
J’attends avec impatience les premières expériences d’un Service National Universel, et avec encore plus d’impatience, les réactions des premiers jeunes qui y seront confrontés. Y aura-t-il des objecteurs au SNU se réclamant du statut sur l’objection du 21 décembre 1963 confirmé par la loi du 10 juin 1971, textes toujours en vigueur…