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                La question essentielle de tous ceux qui découvrent et entendent pour la première fois parler d’une Désargence, d’une civilisation de l’Accès, c’est : « Comment voulez-vous contraindre les États, les pouvoirs financiers, les riches et tous ceux qui profitent peu ou prou du système marchand, à ce passer d’un outil si commode, aussi ravageur soit-il ? » 

                La réponse à cette question récurrente, c’est qu’une sortie du système monétaire n’est plus une option. Il est peu probable en effet qu’une majorité d’humains devienne assez puissante pour l’imposer aux autres. Il en est de l’argent comme il en a été du géocentrisme. Pendant des millénaires, il a été logique de considérer la terre comme le centre immobile de l’univers autour duquel tournaient les astres. Le soleil se lève à l’Est, se couche à l’Ouest. C’est une observation évidente, éternelle et logique. Penser une terre qui tourne autour du soleil, l’héliocentrisme, n’était que folie contraire, non seulement à l’expérience que chacun pouvait en avoir, mais aussi contraire aux textes sacrés, révélés par le créateur lui-même. Un premier fou, connu sous le nom d’Aristarque de Samos, philosophe grec de son état, déclara vers 280 av. J.-C. que la terre tournait autour du soleil.  Il faudra attendre Copernic (1473-1543) pour que l’hypothèse resurgisse, sans toutefois que l’on puisse la démontrer. Un siècle plus tard, Galilée (1564-1642) “proposa” de se rallier à la théorie copernicienne. Et ce n’est qu’en  1687, qu’Isaac Newton proposa une formulation mathématique de la gravitation qui étaye la théorie copernicienne.

                L’abolition de l’argent nous semble aujourd’hui impossible, aussi utopique qu’une abolition des lois gravitationnelles ! Sauf que l’évolution du monde des humains est dans une phase d’accélération exponentielle, que nous arrivons au bout d’une logique, que le système dans son intégralité risque fort de s’effondrer, de s’autodétruire, sans qu’il soit nécessaire d’en développer une critique, de susciter une Révolution.

                Dès lors, la question n’est plus comment changer le système mais comment lui survivre. Un effondrement global est une formidable opportunité d’imaginer un autre monde, hors des catégories classiques de la valeur, du marché, du profit, de l’échange marchand, de la monnaie… Le problème actuel est de sortir de la vieille habitude de la contestation qui, tacitement, reconnaît l’ancien monde comme pensable, qui entraine le plus grand nombre à chercher des aménagements, des corrections. Toutes ces louables alternatives restent dans la page et se contentent de la marge. Un effondrement supprimera autant la page que la marge. Si l’on peut craindre le pire après l’effondrement (guerres, famines, pandémies nous prédit le collapsologue Pablo Servigne), on peut aussi être soulagés que nous cessions, enfin, de penser que la gestion vertueuse des misères les plus intolérables relève d’une politique humaine ou progressiste.

                La collapsologie induit une nouvelle stratégie dont les collapsologues eux-mêmes ne semblent pas encore conscients. Il n’est plus temps de lutter pour une plus grande prise en compte de l’environnement, plus temps d’exiger des gouvernants la justice sociale, des banquiers qu’ils n’oublient pas l’économie réelle, des États qu’ils appliquent des principes démocratiques… Il est temps de penser une société moderne et organisée, mais aussi scientifique et technologiquement développée, mais humainement viable et fondée non plus sur la concurrence mais sur la solidarité. Si toutes les jolies courbes exponentielles (ressources, alimentation, population, pollution…) mises en lumières par le Club de Rome arrivent au point de rupture au début des années 2030, manifester, voter, convaincre, éduquer, convertir, aménager, ou tout autre mode d’action imaginable pour changer le cours des choses relève désormais de l’utopie totale dans un délai de 12 à 15 ans. En revanche, accepter l’effondrement comme un postulat non vérifiable pour les plus optimistes ou comme une évidence pour les plus pragmatiques nous amène à se situer résolument dans une autre dimension. Face au chaos supposé ou annoncé, il est possible d’imaginer des constructions sociales fondées sur de  nouveaux paradigmes, d’expérimenter un autre mode de vie dans des ZAD ou des “microtopes” de laboratoire, d’anticiper comme le font les Villes en transition, les Décroissants, les Négawatts, les Permaculteurs, les chercheurs de la Désargence… Comme l’écrit le philosophe Anselm Jappe dans son ouvrage La Société Autophage (2017) : « L’abolition de l’argent et de la valeur, de la marchandise et du travail, de l’État et du marché doit avoir lieu tout de suite, - ni comme un programme “maximaliste” ni comme une utopie, mais comme la seule forme de réalisme. »  

Tag(s) : #Désargence, #Effondrement