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Trois créateurs se sont réunis pour produire en BD une projection de la façon dont notre société pourrait basculer dans un système où l’argent deviendrait obsolète : Mathieu Bertrand pour le dessin, Marie Avril pour la couleur, Marc Chinal pour le scénario.

                Le dessin est superbe, le texte fait réfléchir comme l’annonce l’intitulé de la maison d’édition (Réfléchir n’a Jamais Tué Personne- Éditions RJTP à Lyon). Joanne Lebster, l’héroïne de la BD, est une vieille dame qui a connu le règne de l’argent roi, s’est battue pour “déboulonner” ce Dieu tyrannique,  a vécu la transition et le début du nouveau monde, et le raconte à sa petite-fille. Nous sommes donc résolument dans l’utopie,  mais une utopie visiblement prédictive, c’est-à-dire qui nous prévient de ce qui risque fort d’arriver.

                L’histoire commence par une banale soirée entre jeunes où l’on discute des multiples problèmes qui empêchent le monde de tourner rond et où la jeune Joanne lance l’idée saugrenue d’une société débarrassée de l’encombrant outil monétaire. Mais comment convaincre l’humanité entière qu’une idée apparemment saugrenue s’impose comme seule solution logique ? Les militants vont essayer tous les modes d’actions classiques, du tract à la publication d’essais en passant par les élections. Puis, faute d’un minimum de visibilité, ils en viennent à créer une microsociété à leur goût, sans argent. Le système n’est pas idyllique puisque soumis aux contraintes extérieures de la société monétaire, en butte aux soupçons de la police et à l’agressivité des défenseurs acharnés du vieux monde. La belle utopie vire à la guerre civile et met Joanne Lester, devenue étendard  du mouvement, en réel danger…

                Le scénariste Marc Chinal n’a donc évacué ni la folie et la violence des hommes, ni les intérêts particuliers mais puissants qui s’opposent au changement de civilisation, ni les difficultés techniques, sociales, politiques d’une telle métamorphose.  Il la rend possible par la force de l’évidence qui s’impose peu à peu au plus grand nombre, par la force de Joanne Lebster qui devient en disparaissant une icône, un symbole…

On peut juste reprocher à cette excellente BD de n’être pas entrée plus en détail sur la possible gestion a-monétaire des enjeux collectifs (énergie, ressources, relations internationales…). Le Nouveau Monde en train de naître semble confiné à un village, puis à une région, et la globalisation du système est juste suggérée, annoncée sans précision. Mais nul doute que les auteurs, limités par le format habituel du genre, ont des idées plus précises sur la marche d’une planète-terre entièrement démonétisée. Tôt ou tard, ils nous annonceront le tome 2 de “Joanne Lebster”, du moins nous l’espérons...,  comme le réclame la petite-fille de l’héroïne dans l’ultime bulle de l’ouvrage !

 

 

               

Tag(s) : #Notes de lecture, #Désargence