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Photo illustrant l'article Médiapart https://blogs.mediapart.fr/andy-gorman/blog/290319/le-hijab-et-lhypocrisie-francaise
Femme portant le Hijab © Photo by Ambar Simpang from Pexels

                Le voile islamique fait trembler la France. Halte à l’hypocrisie française. Voilà ce que nous dit Andy Gorman (reporter freelance basée à Londres) sur son blog paru le 29 mars dernier sur Médiapart. 

Français, je le suis. Tremblant, je le suis peut-être, mais de colère, pas de peur. Prenant le foulard islamique pour un bout de chiffon, certainement pas. J’ai côtoyé les Musulmans d'assez  près, aussi bien en France qu’en Algérie, pour ne pas accepter ce genre de raccourci… Associer une réflexion sur le voile à une forme d’oppression serait donc une hypocrisie révélant une islamophobie, un antiféminisme, une fausse acception de la liberté…? Là, ça devient trop insultant pour ne pas répondre :

                Certes, l’idéologie américaine que révèle le Washington Post est bien différente de l’idéologie française, je vous l’accorde (c’était à propos du boycott de Décathlon vendeur de hijabs de course). Les Anglo-saxons sont communautaristes, pas nous. Les Américains jurent sur la bible en politique et dans les tribunaux, ils font référence à Dieu sur leurs billets de banque, pas nous. Pour autant, je ne dis pas que leur idéologie est un scandale, mais qu’ils n’ont pas la même histoire. J’entends donc recevoir la même tolérance en retour.

                Le voile est à l’évidence un message adressé à l’autre. Il dit des choses sur celles qui le portent. Beaucoup d’autres signes extérieurs sont des messages explicites, que les porteurs en soient conscients ou pas. C’est le cas d’un tatouage, d’un vêtement, d’une parure, d’une coiffure. En les affichant,  on déclare publiquement que l’on est musulman intégriste, punk, baba-cool, homosexuel ou anarchiste… C’est effectivement la liberté de chacun, de dire quelque chose de soi, publiquement. Ce qui mérite le débat c’est donc le message, non le droit ou l'interdiction de le délivrer publiquement. La loi d’ailleurs est très claire, et quelle que soit la culture dans laquelle elle s’inscrit. J’ai le droit de penser qu’il serait bon de tuer mon voisin ; le dire à haute voix ou l’écrire, c’est une menace de mort, un délit ; passer à l’acte est un meurtre, un assassinat. Il en est de même pour le voile-islamique !  Je mets toujours un tiret entre les deux mots car il est des voiles qui n’ont rien d’islamique. D’ailleurs la photo illustrant l’article d’Andy Gorman (du photographe indonésien Ambar Simpang) montre une jeune fille qui pourrait très bien faire penser à Brigitte Bardot de l’époque Et Dieu créa la femme qui affectionnait le même type de voile mais pour un tout autre message que celui du voile-islamique. Personne ne s’y trompe, sauf les idéologues de pacotille.

                Examinons donc le message que mettent en exergue ces jeunes femmes voilées, portant hijab, jilbab, abaya… Les femmes de mon enfance portaient le haïk et la djâr quand elles sortaient en ville, le karakou pour les fêtes familiales, une simple djellaba pour le quotidien, jamais cette invention moderne importée de l’étranger qu’est le voile-islamique.  Les femmes de mon enfance disaient qu’elles étaient arabes ou berbères et musulmanes quand elles se cachaient derrière la djâr, pas qu’elles observaient la loi selon l’interprétation très précise de ce que l’on appelle islamisme. Elles dansaient et chantaient sans scrupule, trompaient parfois leur mari aussi bien que les chrétiennes, les juives ou les bouddhistes, se tatouaient allègrement ne croyant pas que l’interdiction par le Prophète de modifier la création d’Allah s’applique aux dessins corporels.

                En revanche, les femmes portant le voile-islamique que je connais actuellement disent deux choses apparues relativement récemment : soit elles se réfèrent à une “tradition intégriste” de la Charia, soit elles supportent le voile pour avoir la paix avec les intégristes de leur quartier ou avec les “frères” obsédés de la quéquette ! La “tradition islamiste” date des années 1970, au mieux se réfère au Wahhabisme qui s’instaura avec la dynastie saoudienne au XVIII° siècle. C’est bien cette forme d’intégrisme, de retour à une mythique pureté des premiers fidèles du prophète qui aboutit aujourd’hui à la condamnation de l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh à 148 coups de fouet et 38 ans dans la prison d’Evin à Téhéran, de triste mémoire. C’est ce même message qui conduit des jeunes à renier les valeurs de l’Islam, à renier celles de la France qui a accueilli leurs parents et à partir faire le djihad ou à commettre ou soutenir des attentats, et pire que tout, à combattre et éliminer de vrais croyants, leurs propres frères et sœurs n’ayant pas la même lecture des textes qu’eux. Voilà ce que disent, encore une fois consciemment ou pas, les jeunes filles qui se voilent.

                Et comme la plupart des intégrismes, qu’ils soient musulman, chrétien, juif ou sikh…, leur grande manie est d’essentialiser les gens. Personne n’est que musulman, épicier ou femme. Il est aussi absurde de dire que le voile permet aux autres de savoir qui je suis en tant que personne, que de croire que tous les épiciers sont gagnepetits ou cupides, qu’une femme est nécessairement maternelle et douée pour le ménage. Ce n’est pas parce que des cons essentialisent “les blondes”, qu’il faut essentialiser les musulmanes qui, par ailleurs, peuvent être avocates, adeptes de la trottinette ou collectionneuses d’œuvres d’art ! Il serait bon d’expliquer à ces jeunes femmes voilées qu’elles ne sont pas que musulmanes, que leur modeste accoutrement en dit long mais surtout étouffe quantité d’autres choses en elles. Une femme musulmane, algérienne et avocate en a très bien parlé dans un livre intitulé Une femme en colère : Lettre d'Alger aux Européens désabusés, (éditions Gallimard, 2009). L’auteure, Wassyla Tamzali, l’a écrit pour défendre ses consœurs assujetties à une étroite vision des femmes et de l’Islam, pour qu’elles s’autorisent à résister, à refuser le carcan, l’étouffoir, le bâillon du voile. Mme Tamzali est-elle antiféministe, est-elle islamophobe ?... Mme  Sotoudeh a-t-elle pris le risque des 148 coups de fouet pour interdire aux iraniennes de porter le voile et donc les autoriser à se prostituer (c’est son chef d’accusation !) ?...  Mme Khalida Messaoudi, cette algérienne condamnée à mort par le FIS mais “Toujours debout”, est-elle hypocrite, inculte, liberticide ?...

                Permettez-moi, pauvre homme islamophobe, macho, raciste et se référant à Marine Le Pen, de préférer la pensée de ces femmes combattantes plutôt que les anathèmes de Mme Andy Gorman, que je salue toutefois respectueusement. En plus de votre visible méconnaissance de l’Islam, Madame, vous témoignez d’une inculture historique patente. Je vous rappelle que Shéhérazade, issue de la tradition musulmane et des Contes des mille et une nuits (jamais voilée dans l’iconographie persane), tentait de sauver la vie d’une vierge par jour après leur passage dans le lit de son Sultan de père, que Malala Yousafzai a risqué sa vie pour témoigner sur le sort des femmes pakistanaises, que Jacinda Arden s’est battue contre l’homophobie de l’Église mormone dont elle est issue –un autre intégrisme… Faites donc lire les Contes des Mille et une Nuits à votre amie Tesneem Ayoub !!!

                 Enfin, je signale que les articles de ce blog qui parlent du voile sont généralement lus par des centaines de lecteurs dont beaucoup m'envoient des lettres d'insultes, quand les articles annonçant un probable effondrement civilisationnel et évoquant le risque réel d'extinction de l'espèce humaine intéressent très peu et ne suscitent que peu de questionnements. Chacun a les peurs qu'il peut...   

 

 

Tag(s) : #Notes de lecture, #Islam, #Liberté