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                Résilience: "Capacité d'un écosystème, d'un biotope, d'un individu ou d'un groupe d'individus à se rétablir après une perturbation extérieure." (Larousse). Ce concept psychiatrique est constamment évoqué dès qu'il y a crise, depuis que Boris Cyrulnik l'a mis au goût du jour (voir son essai de 1999, "Un merveilleux malheur"). Emmanuel Macron a mis en place un "plan de résilience économique et social" face à la crise ukrainienne et la montée des prix (mars 2022). Si le psychiatre parlait de la capacité à rebondir et se développer malgré un traumatisme, on voit clairement que le concept a pris le sens d'une faculté à supporter l'adversité, à se résigner. Le détournement du concept par la politique a visé à inciter les populations à s'adapter coûte que coûte à des situations intolérables, à accepter qu'un problème, les affectant personnellement, ne soit pas traité, mais sans qu'elles manifestent leur mécontentement et se révoltent.

                S'il peut, dans certains cas, y avoir résilience, c'est généralement parce qu'il y a une bonne santé mentale avant la crise, qu'il y a écoute de la souffrance de l'autre et possibilité de l'exprimer pour la victime du trauma. En clair, la capacité à vivre malgré une crise ou un traumatisme est une démarche de réparation et non une incitation à supporter ce qui nous détruit. Plus les politiques seront confrontés à des difficultés systémiques insolubles, plus ils évoqueront la résilience pour ne pas avoir à les résoudre et pour se prémunir contre la vindicte de citoyens à juste titre mécontents.

                On voit bien, dans ce terme de résilience, l'importance du mot, de la sémantique qui peut produire des effets radicalement opposés selon l'usage que l'on voudrait en faire. Krishnamurti nous a dit que "ce n'est pas un signe de bonne santé d'être bien adapté à une société malade".  La résilience peut permettre aux citoyens de sortir d'une situation malsaine ou de les rendre suffisamment malades pour qu'ils supportent une société malsaine. Le 13 octobre 2022, la France fêtera pour la première fois sa "Journée nationale de la résilience". Est-ce pour nous apprendre à tolérer la guerre débutée en Ukraine, l'inflation galopante en Europe, l'environnement qui se dégrade chaque jour un peu plus, le déni de démocratie qui touche la plupart de ceux qui se disent démocrates, la biodiversité qui s'effondre et autres "joyeusetés" propres à nous mener droit vers l'effondrement global?

               Le ministre des Armées Sébastien Lecornu  a eu l’idée de faire des Français "un peuple résilient préparé à tous les risques" (mars 2022). La secrétaire d'État chargée de la jeunesse, Sarah El Haïry a prôné  le Service National Universel pour "renforcer la résilience parmi la jeunesse" (août 2022). En octobre 2022La ville de Rouen va organiser des "journées de la culture du risque", suite à la catastrophe de Lubrizol  de 2019… Nous prépare-t-on "une arme d'adaptation massive", se demande le chercheur au CNRS Thierry Ribault? Il y a en effet de quoi s'inquiéter!...    

                "Le monde s'ouvre sur des lendemains qui chantent". C'est ce que tous les gens de ma génération, nés dans les années 40, ont cru. "L'ordre du monde se referme sur nous", c'est ce que pensent la plupart des jeunes nés à la fin du siècle dernier, depuis "l'assignation à résidence" de quatre milliards et demi d'humains sur la planète. C'était en réponse à un virus gros de 0,06 à 0,14 micron, soit 300 à 600 fois plus petit qu'un grain de pollen! Et si la résilience selon nos gouvernants n'était qu'une tentative de "domestication du monde"? On comprendrait mieux comment ils ont osé cette séquestration de masse, ce confinement (ou en meilleur français cet arraisonnement) et comment il a été si facilement accepté!…   

Tag(s) : #Société